Mieux respirer pour mieux enseigner
italiano Zen
9/22/20256 min temps de lecture


Mieux respirer pour mieux enseigner : quelques réflexions en marge d'une proposition de formation pour les enseignants
Cette contribution est le fruit d'une réflexion mûrie dans le cadre de l'application quotidienne de techniques et d'outils de bien-être en classe, que je souhaite partager avec d'autres enseignants dans le but de proposer des stratégies pratiques pour gérer le stress et améliorer la qualité de l'enseignement. Je pars du principe, et j'y reviendrai plus tard, que proposer des solutions individuelles sans tenir compte du contexte plus large revient à aborder un sujet de manière incomplète et potentiellement incorrecte, dans le sens où l'on ne peut pas parler du bien-être de l'enseignant sans parler du système dans lequel il évolue.
Pour concrétiser cette réflexion, ma proposition s'appuie sur certains piliers scientifiques qui relient notre état intérieur à la pratique pédagogique.
Émotion et cognition : un lien indissoluble
La vision traditionnelle qui sépare nettement la raison et l'émotion est désormais dépassée depuis longtemps, grâce à la recherche en neurosciences et aux travaux fondamentaux de chercheurs tels qu'Antonio Damasio. Dans un article publié en 2007, Damasio lui-même et Immordino-Yang démontrent que les fonctions cognitives supérieures telles que l'apprentissage, la mémoire et la prise de décision sont immergées dans ce qu'ils appellent la « pensée émotionnelle » (emotional thought) (Immordino-Yang & Damasio, 2007, p. 8). L'émotion agit comme un « gouvernail émotionnel » (emotional rudder) qui guide la connaissance (Immordino-Yang & Damasio, 2007, p. 6). Des études menées sur des patients présentant des lésions cérébrales au niveau du cortex préfrontal ventromédial (lésions qui, pour simplifier, dissocient la connaissance des émotions) ont révélé qu'il est possible de connaître les conventions sociales, logiques et morales qui devraient guider notre comportement à un niveau abstrait, mais que sans le guidage des émotions, il devient impossible de les appliquer efficacement dans la vie réelle (Immordino-Yang & Damasio, 2007, p. 5). Il s'ensuit qu'un apprentissage dépourvu de « lien » émotionnel risque de rester stérile ; en d'autres termes, la connaissance purement théorique ne se transforme pas en une capacité réelle d'agir et de décider efficacement dans le monde.
Ce principe s'applique de manière similaire à l'enseignant : un enseignant dont l'état émotionnel n'est pas équilibré ne peut pas créer les conditions optimales pour un apprentissage efficace, car sa propre capacité à prendre des décisions, à planifier et à interagir en classe est compromise.
L'efficacité de la respiration
Plusieurs études montrent que les pratiques de respiration en classe fonctionnent : il s'agit d'interventions de pleine conscience simples et peu coûteuses qui améliorent le bien-être, le comportement et l'apprentissage des élèves et des enseignants. Chez les élèves, on observe une réduction du stress et de l'anxiété, en particulier ceux liés aux examens, et un renforcement des fonctions exécutives telles que la mémoire de travail et la flexibilité cognitive (Flook et al., 2010). De plus, les pratiques axées sur la respiration améliorent l'attention et la concentration, réduisant ainsi les comportements perturbateurs (Napoli et al., 2005).
Mais l'effet le plus surprenant se produit lorsque ce sont les enseignants eux-mêmes qui intègrent ces pratiques dans leur vie. En effet, le calme d'un enseignant est contagieux et se propage dans toute la classe, créant un puissant « effet boule de neige ». Ce n'est pas seulement une impression : les recherches montrent que les parcours de pleine conscience aident concrètement les enseignants à réduire leur stress et à se sentir moins proches du burnout (Jennings et al., 2017). Un enseignant plus serein et plus présent gère la classe plus efficacement, et les élèves le remarquent. Une étude a même mesuré qu'après une formation spécifique pour les enseignants, les comportements agressifs entre les élèves diminuaient considérablement (Singh et al., 2013). Cela montre qu'aider un enseignant à se sentir mieux est la première étape pour aider toute une classe à se sentir bien.
L'effet boule de neige du bien-être des enseignants et le rôle crucial du contexte
Le bien-être des enseignants n'est pas un facteur isolé. Une vaste analyse de 44 études menée par Benjamin Dreer (2023) a démontré qu'il crée un « effet boule de neige » (ripple effect) qui se propage à l'ensemble du système scolaire (Dreer, 2023, p. 2). Un enseignant qui se sent bien a un impact positif mesurable sur sa santé et son équilibre, sur ses relations avec les élèves, sur la qualité de son enseignement et, par conséquent, sur les résultats des élèves (Dreer, 2023, p. 11). Le modèle de la « classe prosociale » de Jennings et Greenberg, cité dans l'étude, résume ce concept : le bien-être de l'enseignant est le point de départ d'une cascade d'effets positifs, à savoir de meilleures relations et un apprentissage plus solide pour tous (Dreer, 2023, p. 2). Investir dans le bien-être d'un enseignant est donc un investissement direct dans le bien-être de toute la communauté scolaire.
Les pratiques de pleine conscience sont donc des outils essentiels de résilience, qui permettent à l'enseignant d'évoluer dans des contextes souvent difficiles. Mais le véritable changement se produit lorsque l'ensemble de la communauté éducative – des dirigeants aux responsables politiques – assume la responsabilité de créer un environnement qui non seulement exige des enseignants qu'ils soient efficaces, mais leur donne également les ressources nécessaires pour l'être de manière durable et saine.
Le cadre proposé par l'OCDE (Viac & Fraser, 2020) est éclairant à cet égard. Le bien-être dépend d'un équilibre entre les « exigences professionnelles », c'est-à-dire les facteurs qui consomment de l'énergie tels que la charge de travail excessive et la bureaucratie, et les « ressources professionnelles », c'est-à-dire les facteurs qui nourrissent et soutiennent, tels que l'autonomie professionnelle et le soutien des collègues (Viac & Fraser, 2020, p. 33). Ces deux aspects sont en grande partie sous le contrôle des établissements scolaires. Comme le montre l'étude de Sarah Mercer (2020), un environnement physique dégradé ou un manque de ressources sont perçus par les enseignants non seulement comme un manque de respect, mais aussi comme un signe constant d'insécurité et de dévalorisation, qui érode leur bien-être physiologique.
En conclusion, les pratiques individuelles sont fondamentales, mais leur effet n'est renforcé et rendu durable que lorsque l'établissement scolaire fait sa part pour créer un environnement de travail sain. Bien plus que le simple établissement scolaire, le bien-être des enseignants reflète la valeur qu'une société entière accorde à l'éducation et à ceux qui la rendent possible chaque jour. Investir dans le bien-être des enseignants ne signifie pas simplement les inviter à « respirer davantage », mais créer activement les conditions pour qu'ils puissent le faire. Il s'agit, en fin de compte, d'un choix qui définit la valeur qu'une société accorde à l'éducation et à l'avenir qu'elle entend construire.
Bibliographie
- Dreer, B. (2023). On the outcomes of teacher wellbeing: A systematic review of research. Frontiers in Psychology, 14.
- Flook, L., Smalley, S. L., Kitil, M. J., Galla, B. M., Kaiser-Greenland, S., Locke, J., & Kasari, C. (2010). Effects of mindful awareness practices on executive functions in elementary school children. Journal of Applied School Psychology, 26(1), 70–95.
- Immordino-Yang, M. H., & Damasio, A. (2007). We feel, therefore we learn: The relevance of affective and social neuroscience to education. Mind, Brain, and Education, 1(1), 3–10.
- Jennings, P. A., Brown, J. L., Frank, J. L., Doyle, S., Oh, Y., Davis, R., & Greenberg, M. T. (2017). Impacts of the CARE for Teachers program on teachers’ social and emotional competence and classroom interactions. Journal of Educational Psychology, 109(7), 1010–1028.
- Mercer, S. (2020). The wellbeing of language teachers in the private sector: An ecological perspective. Language Teaching Research, 27(5), 1054–1077.
- Napoli, M., Krech, P. R., & Holley, L. C. (2005). Mindfulness training for elementary school students: The attention academy. Journal of Applied School Psychology, 21(1), 99–125.
- Singh, N. N., Lancioni, G. E., Winton, A. S., Karazsia, B. T., & Singh, J. (2013). Mindfulness training for teachers changes the behavior of their preschool students. Research in Human Development, 10(3), 211–233.
- Viac, C., & Fraser, P. (2020). Teachers' well-being: A framework for data collection and analysis (OECD Education Working Papers, No. 213). OECD Publishing.
+33783439024
© 2025. All rights reserved.


YOGA