Notes sur la pratique du yoga en langue étrangère
Italiano Zen
9/9/20254 min temps de lecture


Je voudrais partager ici quelques notes issues d'une réflexion en cours, sans prétendre à l'exhaustivité, sur la manière dont la pratique du yoga, de plus en plus reconnue en Occident pour ses effets bénéfiques sur l'équilibre psychophysique, peut être extrêmement intéressante pour ceux qui apprennent une langue étrangère.
Je ne veux en aucun cas banaliser ou instrumentaliser le yoga. En tant que pratiquante de longue date, avant même d'être instructrice, je le considère comme une discipline spirituelle, un chemin de conscience et de transformation intérieure. Je voudrais simplement présenter quelques réflexions, nées d'une exploration menée avec respect et curiosité sur son potentiel à favoriser un apprentissage « incarné » et intégré d'une langue étrangère. Je ne parle pas ici d'apprendre une langue par le yoga au sens strict : si l'objectif est de parler italien ou espagnol pour commander au restaurant pendant les vacances, le yoga n'est pas l'outil le plus direct, mais si l'on souhaite renforcer et intérioriser des structures linguistiques déjà introduites, alors la pratique du yoga peut devenir un allié puissant. En plus d'être une possibilité de « faire » avec la langue.
Il convient donc de distinguer deux approches différentes : d'une part, l'intégration du yoga comme support pédagogique dans une classe de langue, déjà proposée par divers auteurs pour l'enseignement de l'anglais, en particulier auprès des enfants, et d'autre part, l'expérience de pratiquer le yoga dans une autre langue. C'est sur ce deuxième niveau que se concentre mon observation.
Pour entrer dans le vif du sujet, je soulignerais les points suivants qui me semblent particulièrement intéressants dans le dialogue entre la pratique du yoga et la langue étrangère. Tout d'abord, lors d'une séance de yoga, l'apprentissage linguistique repose sur le principe de la cognition incarnée (embodied cognition), selon lequel les processus mentaux sont enracinés dans les interactions sensori-motrices avec l'environnement (Varela, Thompson & Rosch, 1991). Lorsqu'une instruction verbale telle que « lève le bras droit » est suivie d'une action physique, un lien direct se crée entre le mot et le mouvement. Ici, le sens n'est pas recherché dans la traduction mentale, mais émerge de la réponse corporelle. Le langage s'enracine dans le geste, la respiration, la posture, et la compréhension passe par l'action. Cet ancrage active la mémoire procédurale, rendant le lexique plus accessible et durable. La charge cognitive liée au décodage mental et à la traduction interne est réduite, ce qui favorise un apprentissage plus naturel, intuitif et expérientiel, proche de ce que Krashen (1982) définit comme une véritable acquisition.
Une comparaison intéressante, malgré la diversité des objectifs, peut être faite avec la méthode Total Physical Response (TPR), une méthode d'enseignement des langues développée par James Asher dans les années 70. Dans la méthode TPR, l'action corporelle accompagne les commandes verbales afin de faciliter l'apprentissage d'une langue étrangère, du moins dans les phases initiales. Dans la pratique du yoga en langue étrangère, en revanche, on ne fait pas de mouvements pour apprendre la langue, mais on vit la pratique yogique et l'apprentissage linguistique se fait comme un effet secondaire. Cela n'empêche pas que, dans les deux cas, le lien entre le geste et la parole favorise un apprentissage plus immédiat, naturel et ancré.
Deuxièmement, un cours de yoga en langue étrangère crée un environnement immersif qui stimule implicitement la compréhension orale. Même sans comprendre chaque mot, le contexte visuel et la répétitivité des instructions permettent d'en déduire le sens. L'exposition continue à la langue parlée entraîne le cerveau à reconnaître son rythme, son intonation et ses accents. Dans cette immersion, le corps, la respiration et le mouvement deviennent des outils de décodage, et la langue s'intériorise sans passer par la réflexion métalinguistique.
Enfin, on ne peut négliger le potentiel méditatif et imaginatif de cette pratique. Les visualisations guidées, les moments de silence, l'utilisation consciente de la respiration peuvent ouvrir des espaces intérieurs qui favorisent non seulement la compréhension, mais aussi la résonance émotionnelle avec la langue. Le yoga favoriserait ainsi un apprentissage profondément transformateur, défini par Mezirow (1991) comme un processus dans lequel l'individu réélabore de manière critique ses propres expériences, modifiant ses perspectives établies et s'ouvrant à de nouvelles façons d'interpréter le monde. Dans le contexte du yoga, cela peut se traduire par une relation plus profonde avec la langue, qui n'est pas simplement apprise, mais « habitée » comme un outil de conscience.
Après tout, apprendre une langue, c'est aussi apprendre à évoluer dans le monde avec de nouveaux mots, et le yoga peut être un moyen d'y parvenir.
Bibliographie
Asher, J. J. (1977). Learning Another Language Through Actions: The Total Physical Response Approach. Sky Oaks Productions.
Krashen, S. D. (1982). Principles and Practice in Second Language Acquisition. Pergamon.
Mezirow, J. (1991). Transformative Dimensions of Adult Learning. Jossey-Bass.
Varela, F. J., Thompson, E., & Rosch, E. (1991). The Embodied Mind: Cognitive Science and Human Experience. MIT Press.
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